dimanche 16 mars 2008

Madame Moitessier


Daniel Arasse, Histoires de peintures, Folio essais.
Pour l'un des derniers chapitres, La peinture au détail, ou Le rien est l'objet du désir, je ne sais plus.
Un passage sur Madame Moitessier, par Ingres.
Une totale élucubration, mais élaborée avec tant de talent qu'on la lui pardonne.
Daniel Arasse connait ce tableau (National Gallery) par coeur.
Un jour qu'il le contemple, par le biais d'une diapositive, un peu plus longuement que d'habitude, il remarque, sur la robe très chamarrée de la dame, une tache, qui lui avait jusque là échappé.
Que rien ne justifie, ni n'explique...
Ni l'éclairage, ni les plis de la robe, ni ses motifs.
Encore moins l'élégance de celle qui la porte.
Une tache voulue, une tache peinte en tant que tache.
Madame Moitessier est un peu ronde pour les tristes canons actuels.
Mais, à son époque, elle est considérée comme la plus jolie femme
de Paris.
La tache devient donc la manifestation du désir inavouable du peintre pour son modèle.
Et la preuve se trouve dans le miroir, placé derrière la dame,
sur sa gauche.
Il reflète une jolie nuque charnue, l'objet du désir, forcément.
Je raccourcis, mais le fond y est.
On reste confondu par cette révélation implacable.
Et par le fait que, pas une seconde, Daniel Arasse ne semble se douter que, s'il y en a un qui désire vraiment Madame Moitessier dans cette histoire, c'est lui.